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Une Charogne (Charles Baudelaire) - Explication linéaire
Wabi-Sabi
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Explication linéaire complète du poème Une Charogne de Charles Baudelaire sous formes de fiche pour l'épreuve de français oral.
1ère
Fiche de révision
Charles Baudelaire Acc Charagne "Alors, ô ma beauté! dites à la vermine - Qui vous mangera de baisers, Que j'ai gardé la forme et l'essence divine - De mes amours décomposés!" - CHARLES BAUDELAIRE Sommaire : I/ Une macabre découverte (Strophe 1 à 4) II/ Le travail de la décomposition (Strophe 5 à 9) III/ Les pouvoirs de la poésie (Strophe 10 à 12) Intro : Charles Baudelaire « Une Charogne » (Le poète) - Charles Pierre Baudelaire est un poète français, né à Paris le 9 avril 1821 et mort le 31 août 1867 à Paris. Il est l'un des poètes les plus célèbres du XIXe siècle : en incluant la modernité comme motif poétique, il a rompu avec l'esthétique classique ; il est aussi celui qui a popularisé le poème en prose. De plus son recueil de poèmes Les Fleurs du mal a fait subir un ocès à son auteur le condamnant d'une amende pour « outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs ». (L'œuvre) - Problématique : Comment le poète transforme-t-il l'immonde en objet poétique ? - Thème : Description d'une promenade d'un couple interrompu par une vision d'horreur : l'apparition d'un cadavre en décomposition. - Plan: Derrière l'ironie de Baudelaire dans le mélange du Beau et du Laid (I) dans le détournement d'une scène amoureuse...
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traditionnelle (II), se cache une réflexion sur l'Art et la Poésie (III). - Remarques sur le titre : Le terme qui constitue le titre « charogne » manque d'idéal et est voire familier, ses sonorités sont désagréables [ch], [r], [gn], ce qui crée une première impression désagréable, peu poétique voire provocatrice. L'article indéfini « une » laisse planer le doute : de quel cadavre s'agit-il ? d'un animal ? d'un être humain ? -> mystère. - Memento Mori :Cette locution latine s'utilise depuis de nombreux siècles pour désigner un style artistique où toute création naît avec l'objectif de rappeler à l'humain sa mortalité. Le Memento mori était très en vogue au XVème siècle. Strophes 1 à 4 : une macabre découverte (1ª mouvement) Strophe 1 : Début a priori comme un poème bucolique (= poème d'amour dans un cadre champêtre) classique. - L'impératif << Rappelez-vous » + le pronom « vous » est une adresse intime à la femme aimée. De plus, il est question d'un « objet », accompagné par un article défini « l'objet » : le lecteur ne sait pas quel est cet « objet », mais le poète et la femme, eux, s'en souviennent → cela crée un effet d'attente car cet « objet » ne sera défini qu’au vers 3 : « une charogne infâme ». Dans les deux premiers vers, on peut donc penser que cet objet est un objet de beauté, qui concorde avec le cadre bucolique. En outre, l'apostrophe « mon âme » connote l'amour. - L'horreur de la découverte est accentuée par un effet de surprise : le groupe nominal « une charogne infâme » n'apparaît qu'à la fin du vers 3 et désigne enfin avec précision l'objet dont il était question précédemment. Les termes « charogne » et « infâme » sont redondants (une charogne est toujours infâme) et insistent sur l'horreur. Cependant, dès cette première strophe, la fusion du beau et du laid s'opère : on le voit dans les antithèses << beau matin d'été si doux »/«< charogne infâme » et les antithèses des rimes : << âme »>/<< infâme », « doux »/«< cailloux ». En outre, le terme « lit » à plusieurs sens : s'agit-il du « lit » de la rivière ou de la chambre ? Cela contribue à personnifier le cadavre comme s'il s'agissait d'une femme. Strophe 2: la personnification provocatrice de la charogne. - La personnification entamée à la fin de la strophe précédente se poursuit, et de façon particulièrement dégradante : l'expression « les jambes en l'air » possède une connotation sexuelle qui se prolonge dans la comparaison « comme une femme lubrique ». La charogne et la femme sont ici associées intimement comme les symboles d'Eros (le désir) et de Thanatos (la mort). De même, les adjectifs « brûlante et suante » connotent soit la fièvre amoureuse, soit la fièvre maladive (Eros et Thanatos là encore). Quant à la métaphore « ouvrait [...] son ventre », elle est très provocatrice car le ventre est le siège de la sexualité → image choquante. - Les deux derniers vers de la strophe associe le cadavre au péché, à travers le champ lexical du mal : << lubrique » (goût immodéré pour la sexualité), « poisons », « cynique » ( = qui revendique avec insolence une conduite contraire à la morale). Strophe 3 : le retour à la nature, envisagée cette fois-ci, comme lieu et agent de la fusion du beau et du laid. - Cette fusion apparaît tout d'abord dans l'antithèse « soleil »>/«< pourriture » qui connote aussi une fusion de la vie et de la mort (cette dimension antithétique rappelle l'oxymore du titre << Fleurs du Mal »). La nature unit (« tout ce qu'ensemble elle avait joint ») tandis que la mort décompose. Elle est d'ailleurs personnifiée (« la grande Nature » avec un N majuscule) de façon majestueuse : elle est unificatrice comme l'artiste, comme le poète le montrera plus tard. - Mais cette dimension lyrique s'accompagne aussitôt d'une note provocatrice : « Comme afin de la cuire à point ». Cette image est très provocatrice ; comme si on pouvait imaginer manger la charogne (ce que la chienne fera dans la strophe 9) → dégoûtant, horrible. Strophe 4: La beauté de la laideur. - La laideur semble en effet posséder sa propre beauté comme le suggèrent l'oxymore << carcasse superbe » ainsi que la comparaison « comme une fleur » : cette comparaison étonnante d'un cadavre et d'une fleur révèle un lien existant entre le beau et le laid. · En effet, le laid et le beau s'alimentent l'un l'autre : quand l'un s'éveille, l'autre s'endort. On peut le voir dans le rapprochement paronymique (paronomase) : « s'épanouir », << s'évanouir ». En outre, la rime interne « fleur »>/«< puanteur » constitue à la fois une opposition de sens et un rapprochement de sons : une fois encore le beau et le laid sont liés. II. Strophes 5 à 9 : Le travail de la décomposition (2ème mouvement) Strophe 5 : le déploiement d'une vie microscopique. - La décomposition est évoquée à travers le champ lexical de la mort et de la pourriture : << putrides »>, << noirs », « haillons », « épais liquide ». La mort est ici évoquée dans sa dimension de décomposition, comme un éparpillement. Des détails très concrets et réalistes rendent la scène particulièrement visuelle : « larves », « mouches » (au pluriel), « épais liquide ». - Cependant cette charogne est aussi vue comme le lieu de la vie, comme en témoigne le lexique de la vie : « bourdonnaient », « sortaient », « bataillons », « vivants ». De la mort sort la vie : ce qui semble être un paradoxe est la traduction du cycle de la vie et de la mort. Une image de naissance est d'ailleurs présente dans l'expression « de ce ventre [...] d'où sortaient ». Le rejet « noirs bataillons/ De larves » renvoie à l'image de l'écoulement de « l'épais liquide » qui semble ne jamais s'arrêter jamais. Les verbes d'action à l'imparfait << bourdonnaient », « sortaient », « coulaient » connotent un mouvement permanent et perpétuel, comme si la vie sortait continuellement de la mort. Strophe 6 : l'animation fantastique du cadavre. · On observe au début de cette strophe une gradation dans la multitude - « tout cela », << enflé », « multipliant » - qui évoque l'expansion du cadavre, comme si un être donnait naissance à une multitude d'autres êtres. - Les verbes de mouvement – «< descendait », « montait », « s'élançait » - créent un effet fantastique : le cadavre semble vivant, ce qui constitue un paradoxe absolu. De même, la comparaison << comme une vague » la métaphore « souffle vague » sont des images empruntées à la nature avec l'idée d'expansion. On retrouve aussi l'image de la naissance commencée à la strophe précédente dans la comparaison avec connotation d'accouchement « on eût dit que le corps, enflé [...] vivait », comme s'il y avait eu relation intime entre la femme et la nature (strophe 2), et que de cette union naissait la vie (des larves, certes, mais la vie tout de même). L'allitération en [v] (« vague » x2, « vivait ») connote la sonorité du souffle ou de la vibration (vrombissement des mouches), ce qui renvoie, là encore, à la vie. Strophe 7: la charogne comme objet poétique. - Cette strophe est très lyrique, en décalage avec ce qui précède : il ne s'agit plus de provoquer (lier le beau et le laid) mais de faire émerger une nouvelle forme de poésie. Les métaphores musicales « étrange musique », « mouvement rythmique » contribuent à donner le sentiment que de la laideur surgit la beauté. C'est le procédé de l'alchimie poétique. - Par ailleurs, on retrouve des procédés déjà employés précédemment : la comparaison avec des éléments naturels « comme l'eau courante et le vent » exprime à nouveau l'idée d'écoulement (cf « l'épais liquide » de la strophe 5), mais ici l'écoulement est associé à l'idée de beauté qui se répand. Le lexique du mouvement « agite », « tourne », « mouvement » associé à l'assonance en [an] traduit l'éparpillement de la vie aux quatre vents, sa dispersion dans la nature. Le [an] rythme en effet la strophe, comme une musique qui coule. On retrouve aussi l'allitération en [v] (« vent », « vanneur », « mouvement », « van ») qui est de nouveau liée à la vie. Strophe 8: La mort comme disparition. - La mort apparaît alors comme une disparition, dilution des formes et des souvenirs à travers le champ lexical de l'oubli : « s'effaçaient », « oubliées », « souvenir ». On retrouve pour la dernière fois l'allitération en [v] : une manière de signifier la fin du vrombissement et de la vie ? - Par opposition, l'art serait une manière de fixer des formes, afin qu'elles ne s'effacent pas. On relève ainsi des métaphores artistiques : «<formes », « ébauche », « toile », « artiste ». L'art serait une manière de dépasser la mort. L'expression « et que l'artiste achève >> décrit la fonction de l'artiste : il unit ce qui se décomposer, rassemble des souvenirs éparpillés, les fixe pour l'éternité sur sa toile ou dans un poème. Strophe 9: retour réaliste au récit après la parenthèse lyrique des strophes 7 et 8. - La strophe 9 opère un retour réaliste au récit qui est signalé par la mention du cadre spatial << derrière les rochers ». L'allitération en [r] lui donne un caractère dur, avec des sonorités rauques. - La charogne est désignée en une gradation dans la décomposition : « charogne » (strophe 1), « carcasse superbe » (strophe 4), « le corps » (strophe 6), « le squelette » (strophe 9). Auparavant, la charogne était comparée à une femme, désormais, elle n'est plus qu'un tas d'os. Le cadavre est fragmenté, il part en « morceau[x] » : la mort apparaît ici comme un éparpillement. - Le thème de la continuité entre vie et mort (de la mort qui nourrit la vie) apparaît ici de la façon d'un manque d'idéal dans l'enjambement « reprendre au squelette/ Le morceau qu'elle avait lâché ». Le squelette nourrit la chienne. III. Strophes 10 à 12 : Les pouvoirs de la poésie (3ème mouvement) Strophe 10: Une morale ? - Le tiret suivi de l'opposition « pourtant » marque un retour au dialogue avec le pronom << vous ». Après le récit, le poète semble entamer une morale. Le poème pourrait avoir une valeur d'exemplum (= exemple à valeur instructive). - La comparaison « vous serez semblable à cette ordure/à cette horrible infection » est provocatrice et horrible, totalement en décalage avec les mots d'amour traditionnels. << Serez » est un futur de l'indicatif qui exprime une certitude ironique et horrible. (- Les apostrophes pétrarquistes « Etoile de mes yeux », « soleil de ma nature », « mon ange, ma passion » constituent un clin d'œil aux poètes de la Pléiade, notamment à Ronsard. En effet, Baudelaire signe ce poème comme une parodie de l' «Ode à Cassandre » de Ronsard. Le contraste est saisissant entre l'évocation gothique de la mort et ces apostrophes lyriques.) Strophe 11: La confirmation du destin tragique de la belle. - L'exclamation « Oui ! » qui ouvre la strophe 11 est une confirmation presque joyeuse de la mort à venir. La comparaison réitérée de la femme avec la charogne, « telle vous serez », associée aux futurs « serez », « irez », ne laisse aucun doute possible sur le devenir de la femme, destinée à la décomposition. - L'apostrophe lyrique « ô la reine des grâces » est décalée par rapport à ce qui est dit : on est dans le registre héroï-comique (employer un style élevé pour aborder un sujet bas, prosaïque ici). Noter que les Grâces dans la mythologie sont les déesses de la beauté. Il y a ici l'idée que la beauté deviendra laideur... Mais heureusement le poète est là pour fixer cette beauté à jamais. - L'indicateur spatial « sous l'herbe et les floraisons grasses » associé au verbe « moisir >> indique que la femme appartiendra au domaine du bas, de la boue ; mais dans le même temps, sa décomposition nourrira la vie (cycle vie/mort) Strophe 12: Conclusion du poème. - L'apostrophe lyrique « ô ma beauté » reprend l'apostrophe de la Reine des Grâces et crée un effet d'insistance sur sa beauté présenter. Mais l'impératif présent « Dites » rend réelle, présente cette mort, comme si elle était déjà là. - l'enjambement « à la vermine/ qui vous mangera de baisers » exprime à nouveau la continuité vie/mort et le lien entre Eros et Thanatos (amour et mort imbriqués : l'amour est inséparable de la mort.) - Le pronom de la première personne du singulier « je » qui apparaît dans « j'ai » apparaît pour la première fois dans le poème. Auparavant la personne du poète était fondue dans un << nous » avec sa muse. Ici le poète et la femme aimée sont dissociés : elle est mangée alors qu'il garde sa forme originelle. En effet, le poète, par opposition à la femme, appartient au domaine du divin, de l'or grâce à la poésie : « gardé la forme et l'essence divine »/«< mes amours décomposés ». L'artiste est celui qui recompose ce que la mort a décomposé : il unit, il donne une forme unique à ce qui se désagrège. Conclusion: POUR CONCLURE En exploitant le thème du memento mori jusque dans ses détails les plus horribles, Baudelaire parodie jusqu'au grotesque de l' « Ode à Cassandre » de Ronsard. Là où son prédécesseur se contentait de suggérer une beauté qui fane, le poète maudit prend plaisir à décrire par le menu la putréfaction d'un cadavre. - Cependant, ce poème est bien plus qu'une simple parodie. En démontrant que la vie se nourrit de la mort, que les deux sont inextricablement liées, Baudelaire met l'accent sur le caractère cyclique de la vie, bien différent de la vision linéaire du destin qui apparaissait chez Ronsard. - De plus, le poète fait du cadavre un objet de beauté, il révèle les liens cachés entre beauté et laideur, ce qui est non seulement provocateur, mais aussi profondément novateur en poésie.
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Une Charogne (Charles Baudelaire) - Explication linéaire
Wabi-Sabi
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Explication linéaire complète du poème Une Charogne de Charles Baudelaire sous formes de fiche pour l'épreuve de français oral.
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Une charogne (analyse linéaire)
Français / 1ère (BAC de français) Analyse linéaire de Une charogne de Charles Baudelaire
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traditionnelle (II), se cache une réflexion sur l'Art et la Poésie (III). - Remarques sur le titre : Le terme qui constitue le titre « charogne » manque d'idéal et est voire familier, ses sonorités sont désagréables [ch], [r], [gn], ce qui crée une première impression désagréable, peu poétique voire provocatrice. L'article indéfini « une » laisse planer le doute : de quel cadavre s'agit-il ? d'un animal ? d'un être humain ? -> mystère. - Memento Mori :Cette locution latine s'utilise depuis de nombreux siècles pour désigner un style artistique où toute création naît avec l'objectif de rappeler à l'humain sa mortalité. Le Memento mori était très en vogue au XVème siècle. Strophes 1 à 4 : une macabre découverte (1ª mouvement) Strophe 1 : Début a priori comme un poème bucolique (= poème d'amour dans un cadre champêtre) classique. - L'impératif << Rappelez-vous » + le pronom « vous » est une adresse intime à la femme aimée. De plus, il est question d'un « objet », accompagné par un article défini « l'objet » : le lecteur ne sait pas quel est cet « objet », mais le poète et la femme, eux, s'en souviennent → cela crée un effet d'attente car cet « objet » ne sera défini qu’au vers 3 : « une charogne infâme ». Dans les deux premiers vers, on peut donc penser que cet objet est un objet de beauté, qui concorde avec le cadre bucolique. En outre, l'apostrophe « mon âme » connote l'amour. - L'horreur de la découverte est accentuée par un effet de surprise : le groupe nominal « une charogne infâme » n'apparaît qu'à la fin du vers 3 et désigne enfin avec précision l'objet dont il était question précédemment. Les termes « charogne » et « infâme » sont redondants (une charogne est toujours infâme) et insistent sur l'horreur. Cependant, dès cette première strophe, la fusion du beau et du laid s'opère : on le voit dans les antithèses << beau matin d'été si doux »/«< charogne infâme » et les antithèses des rimes : << âme »>/<< infâme », « doux »/«< cailloux ». En outre, le terme « lit » à plusieurs sens : s'agit-il du « lit » de la rivière ou de la chambre ? Cela contribue à personnifier le cadavre comme s'il s'agissait d'une femme. Strophe 2: la personnification provocatrice de la charogne. - La personnification entamée à la fin de la strophe précédente se poursuit, et de façon particulièrement dégradante : l'expression « les jambes en l'air » possède une connotation sexuelle qui se prolonge dans la comparaison « comme une femme lubrique ». La charogne et la femme sont ici associées intimement comme les symboles d'Eros (le désir) et de Thanatos (la mort). De même, les adjectifs « brûlante et suante » connotent soit la fièvre amoureuse, soit la fièvre maladive (Eros et Thanatos là encore). Quant à la métaphore « ouvrait [...] son ventre », elle est très provocatrice car le ventre est le siège de la sexualité → image choquante. - Les deux derniers vers de la strophe associe le cadavre au péché, à travers le champ lexical du mal : << lubrique » (goût immodéré pour la sexualité), « poisons », « cynique » ( = qui revendique avec insolence une conduite contraire à la morale). Strophe 3 : le retour à la nature, envisagée cette fois-ci, comme lieu et agent de la fusion du beau et du laid. - Cette fusion apparaît tout d'abord dans l'antithèse « soleil »>/«< pourriture » qui connote aussi une fusion de la vie et de la mort (cette dimension antithétique rappelle l'oxymore du titre << Fleurs du Mal »). La nature unit (« tout ce qu'ensemble elle avait joint ») tandis que la mort décompose. Elle est d'ailleurs personnifiée (« la grande Nature » avec un N majuscule) de façon majestueuse : elle est unificatrice comme l'artiste, comme le poète le montrera plus tard. - Mais cette dimension lyrique s'accompagne aussitôt d'une note provocatrice : « Comme afin de la cuire à point ». Cette image est très provocatrice ; comme si on pouvait imaginer manger la charogne (ce que la chienne fera dans la strophe 9) → dégoûtant, horrible. Strophe 4: La beauté de la laideur. - La laideur semble en effet posséder sa propre beauté comme le suggèrent l'oxymore << carcasse superbe » ainsi que la comparaison « comme une fleur » : cette comparaison étonnante d'un cadavre et d'une fleur révèle un lien existant entre le beau et le laid. · En effet, le laid et le beau s'alimentent l'un l'autre : quand l'un s'éveille, l'autre s'endort. On peut le voir dans le rapprochement paronymique (paronomase) : « s'épanouir », << s'évanouir ». En outre, la rime interne « fleur »>/«< puanteur » constitue à la fois une opposition de sens et un rapprochement de sons : une fois encore le beau et le laid sont liés. II. Strophes 5 à 9 : Le travail de la décomposition (2ème mouvement) Strophe 5 : le déploiement d'une vie microscopique. - La décomposition est évoquée à travers le champ lexical de la mort et de la pourriture : << putrides »>, << noirs », « haillons », « épais liquide ». La mort est ici évoquée dans sa dimension de décomposition, comme un éparpillement. Des détails très concrets et réalistes rendent la scène particulièrement visuelle : « larves », « mouches » (au pluriel), « épais liquide ». - Cependant cette charogne est aussi vue comme le lieu de la vie, comme en témoigne le lexique de la vie : « bourdonnaient », « sortaient », « bataillons », « vivants ». De la mort sort la vie : ce qui semble être un paradoxe est la traduction du cycle de la vie et de la mort. Une image de naissance est d'ailleurs présente dans l'expression « de ce ventre [...] d'où sortaient ». Le rejet « noirs bataillons/ De larves » renvoie à l'image de l'écoulement de « l'épais liquide » qui semble ne jamais s'arrêter jamais. Les verbes d'action à l'imparfait << bourdonnaient », « sortaient », « coulaient » connotent un mouvement permanent et perpétuel, comme si la vie sortait continuellement de la mort. Strophe 6 : l'animation fantastique du cadavre. · On observe au début de cette strophe une gradation dans la multitude - « tout cela », << enflé », « multipliant » - qui évoque l'expansion du cadavre, comme si un être donnait naissance à une multitude d'autres êtres. - Les verbes de mouvement – «< descendait », « montait », « s'élançait » - créent un effet fantastique : le cadavre semble vivant, ce qui constitue un paradoxe absolu. De même, la comparaison << comme une vague » la métaphore « souffle vague » sont des images empruntées à la nature avec l'idée d'expansion. On retrouve aussi l'image de la naissance commencée à la strophe précédente dans la comparaison avec connotation d'accouchement « on eût dit que le corps, enflé [...] vivait », comme s'il y avait eu relation intime entre la femme et la nature (strophe 2), et que de cette union naissait la vie (des larves, certes, mais la vie tout de même). L'allitération en [v] (« vague » x2, « vivait ») connote la sonorité du souffle ou de la vibration (vrombissement des mouches), ce qui renvoie, là encore, à la vie. Strophe 7: la charogne comme objet poétique. - Cette strophe est très lyrique, en décalage avec ce qui précède : il ne s'agit plus de provoquer (lier le beau et le laid) mais de faire émerger une nouvelle forme de poésie. Les métaphores musicales « étrange musique », « mouvement rythmique » contribuent à donner le sentiment que de la laideur surgit la beauté. C'est le procédé de l'alchimie poétique. - Par ailleurs, on retrouve des procédés déjà employés précédemment : la comparaison avec des éléments naturels « comme l'eau courante et le vent » exprime à nouveau l'idée d'écoulement (cf « l'épais liquide » de la strophe 5), mais ici l'écoulement est associé à l'idée de beauté qui se répand. Le lexique du mouvement « agite », « tourne », « mouvement » associé à l'assonance en [an] traduit l'éparpillement de la vie aux quatre vents, sa dispersion dans la nature. Le [an] rythme en effet la strophe, comme une musique qui coule. On retrouve aussi l'allitération en [v] (« vent », « vanneur », « mouvement », « van ») qui est de nouveau liée à la vie. Strophe 8: La mort comme disparition. - La mort apparaît alors comme une disparition, dilution des formes et des souvenirs à travers le champ lexical de l'oubli : « s'effaçaient », « oubliées », « souvenir ». On retrouve pour la dernière fois l'allitération en [v] : une manière de signifier la fin du vrombissement et de la vie ? - Par opposition, l'art serait une manière de fixer des formes, afin qu'elles ne s'effacent pas. On relève ainsi des métaphores artistiques : «<formes », « ébauche », « toile », « artiste ». L'art serait une manière de dépasser la mort. L'expression « et que l'artiste achève >> décrit la fonction de l'artiste : il unit ce qui se décomposer, rassemble des souvenirs éparpillés, les fixe pour l'éternité sur sa toile ou dans un poème. Strophe 9: retour réaliste au récit après la parenthèse lyrique des strophes 7 et 8. - La strophe 9 opère un retour réaliste au récit qui est signalé par la mention du cadre spatial << derrière les rochers ». L'allitération en [r] lui donne un caractère dur, avec des sonorités rauques. - La charogne est désignée en une gradation dans la décomposition : « charogne » (strophe 1), « carcasse superbe » (strophe 4), « le corps » (strophe 6), « le squelette » (strophe 9). Auparavant, la charogne était comparée à une femme, désormais, elle n'est plus qu'un tas d'os. Le cadavre est fragmenté, il part en « morceau[x] » : la mort apparaît ici comme un éparpillement. - Le thème de la continuité entre vie et mort (de la mort qui nourrit la vie) apparaît ici de la façon d'un manque d'idéal dans l'enjambement « reprendre au squelette/ Le morceau qu'elle avait lâché ». Le squelette nourrit la chienne. III. Strophes 10 à 12 : Les pouvoirs de la poésie (3ème mouvement) Strophe 10: Une morale ? - Le tiret suivi de l'opposition « pourtant » marque un retour au dialogue avec le pronom << vous ». Après le récit, le poète semble entamer une morale. Le poème pourrait avoir une valeur d'exemplum (= exemple à valeur instructive). - La comparaison « vous serez semblable à cette ordure/à cette horrible infection » est provocatrice et horrible, totalement en décalage avec les mots d'amour traditionnels. << Serez » est un futur de l'indicatif qui exprime une certitude ironique et horrible. (- Les apostrophes pétrarquistes « Etoile de mes yeux », « soleil de ma nature », « mon ange, ma passion » constituent un clin d'œil aux poètes de la Pléiade, notamment à Ronsard. En effet, Baudelaire signe ce poème comme une parodie de l' «Ode à Cassandre » de Ronsard. Le contraste est saisissant entre l'évocation gothique de la mort et ces apostrophes lyriques.) Strophe 11: La confirmation du destin tragique de la belle. - L'exclamation « Oui ! » qui ouvre la strophe 11 est une confirmation presque joyeuse de la mort à venir. La comparaison réitérée de la femme avec la charogne, « telle vous serez », associée aux futurs « serez », « irez », ne laisse aucun doute possible sur le devenir de la femme, destinée à la décomposition. - L'apostrophe lyrique « ô la reine des grâces » est décalée par rapport à ce qui est dit : on est dans le registre héroï-comique (employer un style élevé pour aborder un sujet bas, prosaïque ici). Noter que les Grâces dans la mythologie sont les déesses de la beauté. Il y a ici l'idée que la beauté deviendra laideur... Mais heureusement le poète est là pour fixer cette beauté à jamais. - L'indicateur spatial « sous l'herbe et les floraisons grasses » associé au verbe « moisir >> indique que la femme appartiendra au domaine du bas, de la boue ; mais dans le même temps, sa décomposition nourrira la vie (cycle vie/mort) Strophe 12: Conclusion du poème. - L'apostrophe lyrique « ô ma beauté » reprend l'apostrophe de la Reine des Grâces et crée un effet d'insistance sur sa beauté présenter. Mais l'impératif présent « Dites » rend réelle, présente cette mort, comme si elle était déjà là. - l'enjambement « à la vermine/ qui vous mangera de baisers » exprime à nouveau la continuité vie/mort et le lien entre Eros et Thanatos (amour et mort imbriqués : l'amour est inséparable de la mort.) - Le pronom de la première personne du singulier « je » qui apparaît dans « j'ai » apparaît pour la première fois dans le poème. Auparavant la personne du poète était fondue dans un << nous » avec sa muse. Ici le poète et la femme aimée sont dissociés : elle est mangée alors qu'il garde sa forme originelle. En effet, le poète, par opposition à la femme, appartient au domaine du divin, de l'or grâce à la poésie : « gardé la forme et l'essence divine »/«< mes amours décomposés ». L'artiste est celui qui recompose ce que la mort a décomposé : il unit, il donne une forme unique à ce qui se désagrège. Conclusion: POUR CONCLURE En exploitant le thème du memento mori jusque dans ses détails les plus horribles, Baudelaire parodie jusqu'au grotesque de l' « Ode à Cassandre » de Ronsard. Là où son prédécesseur se contentait de suggérer une beauté qui fane, le poète maudit prend plaisir à décrire par le menu la putréfaction d'un cadavre. - Cependant, ce poème est bien plus qu'une simple parodie. En démontrant que la vie se nourrit de la mort, que les deux sont inextricablement liées, Baudelaire met l'accent sur le caractère cyclique de la vie, bien différent de la vision linéaire du destin qui apparaissait chez Ronsard. - De plus, le poète fait du cadavre un objet de beauté, il révèle les liens cachés entre beauté et laideur, ce qui est non seulement provocateur, mais aussi profondément novateur en poésie.