Une critique déguisée de la Cour
La Bruyère emploie dans la Remarque 74 une stratégie ingénieuse : il décrit la Cour comme "une région" lointaine, peuplée d'étranges habitants. Cette métaphore filée du regard étranger lui permet d'échapper à la censure tout en formulant une critique acerbe.
Le texte commence par opposer les vieillards "galants, polis et civils" aux jeunes hommes "durs, féroces, sans mœurs ni politesse". Ces derniers sont dépeints comme des êtres débauchés, préférant "des repas, des viandes, et des amours ridicules" plutôt que la compagnie des femmes. La critique de l'homosexualité et de l'alcoolisme est à peine voilée, décrivant des hommes qui cherchent à "réveiller leur goût déjà éteint" avec des liqueurs toujours plus fortes.
Les femmes de la Cour ne sont pas épargnées. Elles "précipitent le déclin de leur beauté" par des artifices excessifs, se maquillant et se dénudant de manière outrancière. Quant aux hommes, ils dissimulent leur visage sous "une épaisseur de cheveux étrangers" perruques, empêchant qu'on "ne connaisse les hommes à leur visage" - symbole parfait du masque social et de la perte d'authenticité.
⚠️ Attention ! La Bruyère utilise ici un procédé typique des moralistes du XVIIe siècle : présenter comme étrange et ridicule ce qui est familier aux lecteurs pour les amener à porter un regard critique sur leur propre société.