Premier mouvement : L'émergence d'une Vénus déchue

Dès le premier vers, Rimbaud trompe les attentes du lecteur avec une comparaison choquante : "Comme d'un cercueil vert en fer blanc". Cette image macabre établit immédiatement le ton subversif du poème.

Vocabulaire: "Vert en fer blanc" fait référence aux anciennes baignoires en zinc peintes en vert, soulignant la banalité de la scène.

Le poète décrit l'émergence progressive du corps de la femme, en commençant par sa tête aux "cheveux bruns fortement pommadés". Cette description s'oppose à l'image traditionnelle de Vénus aux cheveux blonds et à la beauté naturelle.

Highlight: L'utilisation d'adjectifs comme "lente", "bête", et "vieille" renforce le caractère morbide et disgracieux de la scène.

Rimbaud poursuit avec une description détaillée et peu flatteuse du corps, utilisant des termes comme "gras", "gris", et "graisse". L'anaphore "Puis" marque la progression descendante du regard sur ce corps peu attrayant.

Quote: "Puis le col gras et gris, les larges omoplates / Qui saillent; le dos court qui rentre et qui ressort"

Cette strophe crée une image saisissante d'une Vénus anadyomène bien loin de l'idéal classique, incarnant plutôt la réalité crue et désenchantée.

Deuxième mouvement : Une invitation à l'observation sensorielle

Dans ce mouvement, Rimbaud engage les sens du lecteur de manière plus intense, créant une expérience synesthésique troublante.

L'utilisation du mot "échine" animalise davantage la femme, la réduisant à un morceau de viande. Cette déshumanisation se poursuit avec la description de l'odeur :

Quote: "L'échine est un peu rouge, et le tout sent un goût / Horrible étrangement"

Cette synesthésie, mêlant l'odorat et le goût, accentue le caractère repoussant de la scène. Rimbaud invite le lecteur à observer de plus près, mentionnant des "singularités qu'il faut voir à la loupe".

Vocabulaire: "Singularités" fait référence à des bizarreries ou des choses rares.

Cette invitation à l'observation minutieuse prépare le terrain pour le dernier mouvement du poème, où Rimbaud révélera les détails les plus choquants de sa Vénus anadyomène.

Introduction à Vénus Anadyomène de Rimbaud

Le poème "Vénus Anadyomène" d'Arthur Rimbaud, publié en 1870 dans Les Cahiers de Douai, revisite le thème classique de Vénus, déesse de l'amour. Contrairement aux représentations traditionnelles, Rimbaud offre une vision subversive et réaliste.

Définition: Anadyomène signifie "qui sort de l'eau" en grec.

Le poète s'empare de ce thème classique pour le détourner, posant la question de son intention artistique. L'analyse du poème se divise en trois mouvements :

1. L'émergence d'une Vénus (vers 1-8)
2. L'invitation à observer les détails singuliers par une synesthésie (vers 9-11)
3. L'étude des singularités à travers une contemplation minutieuse (vers 12-14)

Exemple: Contrairement à "La Naissance de Vénus" de Botticelli (1484-85), où la déesse émerge d'un coquillage, Rimbaud la fait sortir d'une baignoire ordinaire.