Les stratagèmes au cœur de l'intrigue

Les citations des Fausses Confidences révèlent l'ingéniosité des stratagèmes employés par les personnages. Dubois, valet astucieux, utilise l'exagération pour convaincre Araminte : « oui il est timbré, mais timbré pour cent [...] il y a six mois qu'il extravague d'amour, il en a la cervelle brûlée ». Cette manipulation vise à faire naître la curiosité d'Araminte envers Dorante.

Les personnages utilisent divers accessoires pour mener à bien leurs plans. Le portrait d'Araminte peint par Dorante et le tableau qu'il contemple servent de preuves matérielles de son amour. La fausse lettre dictée par Dubois où Dorante avoue son « amour impossible » constitue l'essence même des fausses confidences qui donnent son titre à la pièce.

Araminte elle-même tente un stratagème lorsqu'elle dicte, devant Dorante, une lettre au Comte où elle se dit prête à l'épouser. Cette manœuvre vise à tester les sentiments du jeune homme qui, malgré son trouble, garde le silence. Les passages importants montrent comment Araminte est progressivement « poussée dans ses retranchements », notamment quand elle s'énerve : « Allez-vous-en ; vous m'êtes insupportable ».

💡 Les stratagèmes dans cette pièce ne sont pas simplement des ressorts comiques, mais des révélateurs psychologiques qui forcent les personnages à affronter leurs véritables sentiments.

Ces manipulations ont des conséquences inégales sur les personnages. Si le plan de Dubois réussit pour Dorante, il provoque la souffrance de Marton qui avait cru être aimée. Cette complexité morale pose la question : les stratagèmes dans Les Fausses Confidences en font-elles une pièce immorale ?

Du stratagème à la vérité des cœurs

Le stratagème, loin d'être simplement un outil de manipulation, devient paradoxalement un instrument de vérité. Après un long cheminement, Araminte finit par avouer ses sentiments : « Et voilà pourtant ce qu'il m'arrive ». Ce moment représente le triomphe de l'amour sur les conventions sociales et les calculs d'intérêt.

Araminte pardonne même les manipulations dont elle a été victime : « Après tout, puisque vous m'aimez véritablement, ce que vous avez fait pour gagner mon cœur n'est point blâmable ». Ce pardon est d'autant plus touchant que Dorante finit par confesser ses manœuvres : « Dans tout ce qu'il s'est passé chez vous, il n'y a rien de vrai que ma passion qui est infinie, et le portrait que j'ai fait ». Sa sincérité finale le rachète aux yeux d'Araminte.

La pièce révèle également des vérités sociologiques sur les mariages arrangés de l'époque. Le jeune roturier Dorante doit recourir à un stratagème pour contourner les barrières sociales, comme il l'explique : « Cette femme-ci a un rang dans le monde [...] et tu crois qu'elle fera quelque attention à moi, que je l'épouserai, moi qui ne suis rien, moi qui n'ai point de bien ? ». L'oncle de Dorante, M. Rémy, souligne cette réalité sociale quand il affirme qu'un amour serait acceptable si Dorante était riche : « s'il était riche, le personnage en vaudrait bien un autre ».

💡 Comment les stratagèmes dans Les Fausses Confidences impliquent-ils le spectateur ? En nous faisant témoins des manipulations, Marivaux nous pousse à réfléchir sur nos propres préjugés sociaux et sur les obstacles que la société dresse contre les sentiments authentiques.

La victoire finale n'est pas seulement celle d'un valet rusé qui favorise un mariage, mais celle de sentiments sincères qui parviennent à s'exprimer malgré les conventions sociales. Le stratagème devient ainsi un instrument de lucidité qui permet aux personnages de découvrir leur véritable nature.

Une comédie entre raffinement et tradition

Le marivaudage, style caractéristique de l'auteur, apporte une dimension précieuse à cette comédie. Les dialogues subtils d'Araminte révèlent ses hésitations : « Attends. Comment faire ? Si lorsqu'il me parle, il me mettait en droit de me plaindre de lui, mais il ne lui échappe rien ». Cette finesse dans l'expression des sentiments contraste avec les éléments plus traditionnels de la comédie.

L'influence de la Commedia dell'arte se manifeste à travers le personnage d'Arlequin, valet naïf et parfois stupide. Ses répliques apportent une touche de comique de farce : « Comment, Madame, vous me donnez à lui ! Est-ce que je ne serai plus à moi ? Ma personne ne m'appartiendra donc plus ? ». Ses maladresses contribuent ironiquement à faire progresser le stratagème de Dubois.

En tant que comédie amoureuse, la pièce explore les obstacles que la société dresse contre l'épanouissement des sentiments. L'orgueil, l'amour-propre et les considérations matérielles freinent le développement de l'amour véritable. Araminte, initialement plus préoccupée par ses soucis financiers que par ses sentiments, évolue progressivement vers une reconnaissance de son amour pour Dorante.

💡 Bien que l'amour de Dorante soit révélé dès l'exposition, il faut trois actes entiers à Araminte pour reconnaître ses propres sentiments, illustrant parfaitement la progression psychologique chère à Marivaux.

Les personnages des Fausses Confidences incarnent les différentes facettes de la société : Dubois, le valet rusé qui tire les ficelles ; Araminte, la veuve riche mais prisonnière des conventions ; Dorante, l'amoureux sincère mais désargenté ; et Mme Argante, représentante de l'ordre social établi qui veut marier sa fille au Comte pour s'élever socialement. Ce microcosme permet à Marivaux de peindre une fresque sociale tout en développant une intrigue amoureuse captivante.

Les stratagèmes au théâtre : une tradition littéraire

Le thème du stratagème traverse l'histoire du théâtre, permettant de situer Les Fausses Confidences dans une riche tradition littéraire. Contrairement à d'autres œuvres, les manipulations chez Marivaux ne visent pas à nuire mais à révéler des sentiments authentiques.

Dans Les Fourberies de Scapin de Molière, le valet Scapin utilise ses ruses pour se venger de Géronte, faisant du stratagème une arme contre une victime. De même, dans Ruy Blas de Hugo, Don Salluste manipule cruellement son valet pour se venger de la Reine, lui rappelant sa condition inférieure : « Mais, ne l'oubliez pas, vous êtes mon valet ».

En revanche, certaines œuvres se rapprochent davantage de l'esprit de Marivaux. Dans Cyrano de Bergerac de Rostand, le stratagème permet de révéler la profondeur des sentiments du protagoniste qui, par amour pour Roxane, aide Christian à la séduire. De même, dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, les plans de Figaro visent à protéger Suzanne des abus aristocratiques.

💡 La phrase d'accroche parfaite pour une dissertation sur Les Fausses Confidences pourrait s'inspirer de la devise de la comédie : « Castigat ridendo mores » (corriger les mœurs en riant), car Marivaux utilise le divertissement pour nous faire réfléchir sur l'amour et les conventions sociales.

L'Illusion Comique de Corneille et Le Tartuffe de Molière illustrent comment le théâtre lui-même constitue un stratagème au service du spectateur. Comme l'écrit Molière dans sa préface, toute pièce implique une forme de manipulation du public pour lui enseigner des vérités. C'est exactement ce que fait Marivaux dans Les Fausses Confidences : il nous implique comme témoins des manipulations pour nous faire réfléchir sur notre propre rapport à l'amour, à l'argent et aux conventions sociales.

Pour réussir une dissertation sur Les Fausses Confidences, il faut donc comprendre que les stratagèmes ne sont pas simplement des ressorts comiques mais des révélateurs des vérités humaines et sociales.