La comédie sociale chez La Bruyère
"Les Caractères" (1688) de La Bruyère représente un parfait exemple de comédie sociale dans la littérature française. L'auteur transforme la Cour et la Ville en une véritable scène de théâtre où les courtisans sont à la fois acteurs et spectateurs de leur propre vie. Ce concept s'apparente au theatrum mundi (théâtre du monde), idée baroque qui souligne la vanité humaine.
La définition de la comédie sociale chez La Bruyère s'articule autour du principe classique "placere et docere" (plaire et instruire). Comme les grands auteurs de la comédie classique, il cherche à divertir tout en dénonçant les vices : vanité, avarice et amour-propre. Ses portraits sont comparables aux personnages-types de Molière, comme dans "L'Avare".
La Bruyère adopte une écriture théâtrale reconnaissable par ses dialogues, ses caricatures et ses chutes comiques. Il met en scène des personnages comme Arrias, Théodecte ou Acis qui illustrent différents travers : l'un monopolise la conversation, l'autre utilise un langage précieux. Ces personnages aux noms évocateurs de la comédie italienne deviennent des types universels.
💡 À retenir : La Bruyère se définit comme moraliste dans sa préface : "On ne doit parler, on ne doit écrire que pour l'instruction". Sa mission est de corriger les mœurs en faisant rire (castigat ridendo mores), tout en recherchant l'idéal de l'honnête homme.
L'œuvre propose une analyse sociale pertinente où l'argent perturbe l'ordre établi et prend le pas sur la vertu. À travers son ironie mordante et ses portraits excessifs, La Bruyère peint une société du paraître où les apparences priment sur l'être. Cette peinture d'après nature, comme il le dit dans sa préface, donne aux Caractères sa valeur universelle et intemporelle.