L'art de la séduction par les mots
Roxane, d'abord hésitante, n'ose pas aborder le sujet du baiser explicitement. Les points de suspension et ses phrases inachevées traduisent sa pudeur face à cette situation délicate.
Cyrano déploie alors tout son talent poétique pour la rassurer. Il présente d'abord le baiser comme un simple "mot" plutôt qu'un contact physique. Puis il le définit par une série d'images poétiques : "un aveu", "un point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer", "un secret". Son discours devient de plus en plus sensuel avec l'emploi d'un vocabulaire corporel ("bouche", "lèvres") et de sensations physiques qui évoquent le désir.
La stratégie de Cyrano s'affine quand il compare Roxane à une reine, faisant référence au baiser de la reine au duc de Buckingham dans Les Trois Mousquetaires. Cette comparaison flatteuse élève Roxane au rang de la noblesse, bien qu'elle ne soit qu'une bourgeoise. Le "La reine que vous êtes" (vers 23) marque l'efficacité de cette technique.
Le premier "je" de Cyrano au vers 22 révèle un moment de vérité où il oublie son rôle d'intermédiaire. Il exprime alors ses véritables sentiments de manière hyperbolique et pathétique, évoquant ses "souffrances muettes". La scène bascule brutalement quand Roxane, conquise, mentionne la beauté de Christian, ramenant Cyrano à sa douloureuse réalité.