Le triomphe poétique et sa chute
Le troisième quatrain marque l'apogée de l'inspiration poétique. Apollinaire utilise un chiasme avec la personnification du Rhin et le reflet des vignes, créant un effet miroir tant dans la composition que dans le sens littéral. La métaphore des étoiles comme "fleurs de flamme" est belle mais inquiétante car elle évoque une chute potentielle, tandis que le néologisme "râle-mourir" ajoute une dimension morbide.
La mise en abyme au vers 12 démultiplie les voix (poète, batelier, fées), illustrant l'aboutissement de l'inspiration où l'ivresse devient générale. Ce moment représente le triomphe du chant poétique, une poésie audacieuse et enivrante qui caractérise le style d'Apollinaire dans "Alcools".
Le dernier vers, isolé comme un monostiche, brise la structure du sonnet traditionnel : "Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire". Cette rupture symbolise à la fois la fin de l'ivresse physique (le verre brisé) et poétique (le vers brisé), tout en bouclant le poème par un rappel du premier vers.
Éclairage : La signification de "mon verre s'est brisé comme un éclat de rire" est double : elle illustre la fragilité de l'inspiration poétique et affirme la modernité d'Apollinaire qui brise les codes traditionnels pour créer une nouvelle forme d'expression.
Ce poème offre deux lectures complémentaires : une métaphore de l'inspiration poétique avec ses images fortes et ses néologismes, et un hymne à la poésie moderne qui réinvente les matériaux traditionnels. Apollinaire nous dévoile ainsi sa conception d'une poésie qui s'abreuve aux sources anciennes pour créer quelque chose de radicalement nouveau.