Une ville gigantesque et tentaculaire
La première partie du poème (vers 1 à 16) met en évidence le caractère colossal et inévitable de la ville moderne. Verhaeren utilise plusieurs techniques poétiques pour accentuer cette impression :
• Un monostiche d'ouverture soulignant l'omniprésence de la ville
• Un champ lexical de la verticalité ("étages", "escaliers", "ciel")
• Des enjambements renforçant l'idée de hauteur
• Des énumérations créant une impression de vastitude et de diversité
Example: L'utilisation répétée du présentatif "ce sont" crée une accumulation d'éléments hétéroclites composant la ville, soulignant son immensité et sa complexité.
Le poète introduit également l'image de la ville "tentaculaire", comparée à une pieuvre, suggérant son expansion incontrôlable et potentiellement menaçante.
Quote: "Et c'est la ville tentaculaire, / Debout, / Au bout des plaines et des domaines."
Cette strophe finale de la première partie insiste sur la verticalité et l'étendue infinie de la ville, dominant le paysage environnant.
La ville comme monstre urbain
Dans la deuxième partie (vers 17 à 32), Verhaeren accentue l'aspect monstrueux et inquiétant de la ville :
• Des allitérations et des animations d'objets créent une atmosphère oppressante
• Le vocabulaire industriel ("charbon", "fumée", "naphte") évoque un environnement sombre et pollué
• Des hyperboles et des métaphores renforcent l'impression d'une ville portuaire sinistre et démesurée
Definition: Naphte - Liquide inflammable issu du pétrole, utilisé ici pour évoquer l'industrie et la pollution.
Le poète personnifie les éléments de la ville, leur attribuant des sentiments de peur et d'angoisse, ce qui contribue à créer une ambiance fantastique et menaçante.
Highlight: L'utilisation prédominante de la couleur noire et l'évocation d'un unique "fanal vert" renforcent l'atmosphère oppressante et désorientante de la ville.
La déshumanisation de l'espace urbain
La dernière partie du poème (vers 31 à 40) se concentre sur la déshumanisation de la ville :
• L'utilisation de sujets indéfinis et non animés pour décrire les activités urbaines
• Une accumulation de sensations auditives créant une cacophonie mécanique
• Des métaphores infernales suggérant une ville devenue hostile à l'humain
Quote: "Et les ponts noirs qui se haussent / Et sur des chars de feu traversent les espaces."
Cette image finale d'une ville infernale, où les ponts semblent s'animer d'une vie propre, illustre parfaitement la vision apocalyptique de Verhaeren.
En conclusion, "La Ville" d'Émile Verhaeren offre une transfiguration poétique saisissante de l'espace urbain moderne, le transformant en un lieu gigantesque, monstrueux et déshumanisé. Ce poème sur la ville annonce les thèmes qui seront développés dans son futur recueil "Les Villes tentaculaires", publié en 1895, et reste une œuvre marquante de la poésie symboliste belge.