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25/09/2022
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T.6 ET1 SEQ.II LITTERATURE D'IDEES La Bruyère, << De la Société et de la Conversation », livre V, Les Caractères, 1688 INTRO (2 points au bac) - contextualisation : Argumenter, c'est recourir à des outils stylistiques et formels, mais aussi à des tonalités variées pour rechercher l'adhésion du destinataire. De la raison à la persuasion, les approches sont variables et complémentaires. - lien avec la thématique du parcours : La Bruyère dépeint la comédie sociale de son siècle et des milieux comme la bourgeoisie ou la cour. C'est ce théâtre du monde auquel nous confronte l'auteur dans les Caractères. - problématique : En quoi le portrait d'Arrias est-il l'occasion d'une satire ? - lecture expressive du texte, en totalité (attention liaison, rythme, articulation, diction, intention, contraste). 1° MOUVEMENT: PRESENTATION D'UN HOMME DE COUR (étude linéaire 8 points) Arrias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi, c'est un homme universel, et il se donne pour tel; il aime mieux mentir que de se taire ou de paraître ignorer quelque chose : - La Bruyère possède l'art du portrait. En quelques traits, il campe un type humain. L'onomastique (étude des noms propres) donne de la vérité à la caractérisation : « Arrias ». Il ne s'agit pas d'une personne identifiable à la...
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cour, d'un nom reconnaissable, mais plutôt d’un stéréotype, celui du courtisan. Cette caractérisation ne vise pas à blesser ad hominem (à atteindre spécifiquement un être particulier), mais à proposer une satire d'un type social avec une certaine distance amusée. - Un présent de vérité générale (à valeur gnomique) apparaît dès la 1° ligne : « C'est un homme universel ». L'auteur semble exposer une vérité établie, un fait de notoriété publique. De même, l'adjectif « universel » souligne une prétendue culture du pesonnage et le pronom indéfini («< tout » : 2 occurrences) renforce cette généralisation du savoir. De prime abord, le lecteur pourrait croire qu'il s'agit d'un portrait mélioratif. Mais la suite vient contredire cette impression 1º. - En effet, une légère distance ironique pointe subtilement dès l'amorce de ce portrait : « il veut le persuader ainsi » ; « il se donne pour tel ». Le pronom personnel « il », anaphorique et insistant, signale un personnage autocentré, imbu de lui-même. C'est l'outrecuidance (excessive confiance en soi) d'Arrias que le moraliste (La Bruyère) nous donne à voir dans un 1° temps : il possède une vision méliorative de lui-même, une assurance manifeste. Mais les groupes verbaux «< Se donner pour tel », « se persuader >> ne signifient pas qu'Arrias convainc son entourage pour autant. Cet homme de cour souhaite véhiculer une certaine image de lui. De là à y parvenir... - le comparatif de supériorité « mieux...que » met en exergue un certain cynisme (absence d'éthique, de morale) puisque le verbe << mentir » s'avère central ici, par opposition au silence prudent ou à l'aveu d'ignorance (« se taire » ; « paraître ignorer qq ch. »>). Autrement dit, dans ce milieu, il faut sauver les apparences, la vérité importe peu tant que l'illusion est entretenue, aussi factice soit-elle. Le jeu de cour se précise donc sous la plume de l'auteur. 2° ETAPE : MISE EN SITUATION DE CE COURTISAN on parle à la table d'un Grand d'une cour du Nord, il prend la parole, et l'ôte à ceux qui allaient dire ce qu'ils en savent ; il s'oriente dans cette région lointaine comme s'il en était originaire ; il discourt des mœurs de cette cour, des femmes du pays, de ses lois et de ses coutumes; il récite des historiettes qui y sont arrivées, il les trouve plaisantes et il en rit le premier jusqu'à éclater : - Une fois cette esquisse du courtisan effectuée, La Bruyère précise le portrait en implantant ce type humain dans un contexte plus spécifique : « à la table d'un Grand d'une cour du Nord ». La nominalisation de l'adjectif « Grand » avec majuscule nous confronte à une catégorie sociale privilégiée, celle des nantis et de l'aristocratie puissante de ce monde. Le contexte géographique reste imprécis mais laisse percevoir l'étendue des réseaux mondains. De même, la référence au « repas » renvoie à ces habitudes de cour, aux réceptions des gens bien nés, à un entre-soi d'une caste élitiste. - Le pronom indéfini « on » maintient un anonymat quant aux convives; le portrait étant centré sur Arrias, le pron. pers. << il >> s'impose à nouveau dans le texte : « il prend la parole et l'ôte; il s'oriente; il discourt; il récite ». Notons que les verbes de parole envahissent l'espace textuel dans un effet énumératif puisque la phrase s'étire à travers une ponctuation forte (points virgules; effet de juxtaposition des propositions). Cet étirement de la phrase jalonnée de verbes de parole donne l'impression d'une accumulation de discours vides, inutiles et pompeux. Arrias n'apparaît pas comme un homme d'action mais de parole, au sens négatif du terme puisque le contenu importe peu au bout du compte. Le nom commun « historiette » vient confirmer la vanité de ces propos: vanité au sens d'orgueil mais aussi de vide, de vacuité; le suffixe «<-iettes » constitue un diminutif péjoratif ici. - enfin, le point d'acmé de cette longue période descriptive se situe au verbe « éclater » : cette manifestation bruyante, ce rire ostentatoire (cad appuyé) vise à exister en société et à surjouer l'autosatisfaction. Arrias n'est plus seulement un courtisan mais un personnage (personna: masque, étymologie) jouant un rôle. C'est une figure caricaturale. Plus le texte progresse, plus Arrias manifeste son orgueil et devient antipathique au lecteur. C'est le but, l'intention de ce portrait satirique. Créer une distance critique chez le lecteur en maintenant une tonalité légère et distrayante. T.6 ET1 SEQ.II LITTERATURE D'IDEES La Bruyère, << De la Société et de la Conversation », livre V, Les Caractères, 1688 3° MOUVEMENT: NOUVEL EXEMPLE, NOUVELLE SITUATION quelqu'un se hasarde de le contredire et lui prouve nettement qu'il dit des choses qui ne sont pas vraies ; Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre l'interrupteur ; - Une 2nde mise en situation est proposée par La Bruyère. Nulle personnalité n'est désignée nommément pour l'instant : usage du pronom indéfini « quelqu'un ». Cette approche attire davantage notre attention sur la situation que sur la personne impliquée personnellement. L'ironie demeure toujours saillante: «quelqu'un se hasarde de le contredire ». Le lecteur perçoit toute l'audace d'une pareille audace face à Arrias, si narcissique et imbu de sa personne. Le verbe « se hasarder » signale bien le caractère aléatoire de cette initiative tant Arrias est dans l'incapacité d'accepter une discussion dialectique. - Le verbe << prouver » associé à l'adverbe « nettement » oriente le débat vers une démonstration rationnelle et argumentée cette fois-ci, ce qui contraste avec les assertions d'Arrias qui demeurent à l'état de généralités infondées. La subordonnée relative << qui ne sont pas vraies » constitue un démenti des propos erronés d'Arrias, figure de plus en plus caricaturale aux yeux du lecteurs. - Néanmoins, face à l'exercice de la raison, Arrias adopte un positionnement surprenant : « Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre l'interrupteur ». La négation totale indique une absence de doute, une incapacité à se remettre en question. Plus encore, la réaction devient offensive: «< prend feu...contre ». Le rapport s'avère frontal et la confrontation vouée à l'impasse puisque le dialogue est impossible. 4° ETAPE DU TEXTE : CHANGEMENT ENONCIATIF je n'avance, lui dit-il, je ne raconte rien que je ne sache d'original : je l'ai appris de Sethon, ambassadeur de France dans cette cour, revenu à Paris depuis quelques jours, que je connais familièrement, que j'ai fort interrogé, et qui ne m'a caché aucune circonstance; - le passage au discours direct crée une mise en relief de la réponse d'Arrias qui se détache du portrait d'ensemble. L'incise « lui dit-il » situe l'énonciation : l'allocutaire est Arrias mais le destinataire est pour l'instant anonyme. Notons que la phrase ne s'interrompt pas (absence de point, absence de guillemet également). Un effet de fluidité est produit par cette continuité syntaxique, un effet d'unité du portrait également, concentré en 1 phrase unique. Le style participe à l'efficacité de la satire, dans une maîtrise parfaite de l'équilibre général, sans surcharge ni emphase : on observe une esthétique classique dotée de justesse et de précision. - la 1° personne du singulier (« je ») occupe ce passage et amplifie la présence déjà pesante d'Arrias dans l'espace mondain. Le pédantisme du personnage est manifeste : « rien que je ne sache d'original » ; « je l'ai appris de Sethon, ambassadeur de France ». Arrias se pique de connaître les Grands de ce monde, les diplomates d'État. - Un nouveau nom propre apparaît néanmoins, « Sethon », qui aura son utilité en fin de texte. La Bruyère prépare ici l'effet final. De même, l'outrecuidance insistante d'Arrias, fortement soulignée ici, contribue à cette même intention : pouvoir mieux opérer un renversement in fine. Le moraliste installe Arrias dans ses certitudes de façon si marquée que le jeu en devient comique : « que je connais familièrement, que j'ai fort interrogé, et qui ne m'a caché aucune circonstance »>. La série de propositions relatives crée une sorte de surenchère dans l'aplomb du courtisan. 5° MOUVEMENT: CHUTE DU TEXTE il reprenait le fil de sa narration avec plus de confiance qu'il ne l'avait commencée, lorsque l'un des conviés lui dit, c'est Sethon à qui vous parlez, lui-même, et qui arrive de son ambassade. - ce crescendo d'arrogance trouve cependant son point de chute à la fin du texte. La Bruyère prépare savamment son effet. En 1 ou 2 lignes, il jette le discrédit sur Arrias, désavoué par la réponse lapidaire (brève) de son interlocuteur : « C'est Sethon à qui vous parlez, lui-même ». Le présentatif « C'est » donne du relief au dévoilement de l'identité du destinataire : « C'est Sethon »>. La reprise pronominale, « lui-même »>, ancre plus encore cette identité de façon ferme et indubitable. Autrement dit, Arrias est ridiculisé, pris à son propre piège, devant témoins. La disgrâce est inévitable car le courtisan perd son statut de sachant (celui qui sait) et d'homme influent aux yeux de tous, ce qui est impardonnable dans cette société curiale (de cour). Conclusion: ATTENTION, LA CONCLUSION DOIT ÊTRE PLUS BREVE... réponse à la problématique : En 1 seule phrase, La Bruyère parvient à déconstruire l'arrogance et l'outrecuidance d'un courtisan imbu de sa personne à travers un fragment de texte bref et efficace. Toute la subtilité de l'écriture repose sur la préparation de l'effet final. Des considérations générales aux mises en situations plus animées avec le recours au discours direct, le moraliste crée un personnage de cour caricatural, voué au ridicule. La satire s'immisce savamment pour opérer un renversement final propre à susciter la réflexion du lecteur sur les pratiques de cour. - ouverture (facultative): Conformément à l'esthétique classique, il s'agit bien de plaire et d'instruire. La Fontaine, contemporain de La Bruyère, aura recours à la forme la fable et aux fictions animalières pour obtenir un effet semblable. Durée de l'exposé : 10 à 11 minutes au maximum, lecture expressive comprise.