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16/12/2021
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Quand vous serez bien vieille : A la Renaissance, les artistes français cherchent à rivaliser avec les Italiens. Ainsi, les poètes copient une forme inventée un siècle plus tôt par l'Italien Pétrarque, le sonnet. C'est le cas de Ronsard, chef de file de la Brigade puis de la Pléiade dans le texte qui nous occupe. Il écrit, en effet, un sonnet parfait, composé en alexandrins, faisant alterner les rimes féminines et les rimes masculines et les rimes embrassées et suivies qui interviennent dans les deux premiers vers du premier tercet. Dans ce poème, publié en 1578, et prenant place dans le recueil Les Amours, il s'adresse à une jeune femme, réputée pour sa beauté et son érudition, Hélène de Surgères. Il tente de la convaincre de se laisser séduire. Nous nous demanderons quels moyens il utilise à cette fin. Pour répondre à cette question, nous verrons qu'il cherche à dénigrer la belle Hélène. Ronsard, affligé d'une surdité et prématurément vieilli, va chercher à rabaisser la jeune et belle Hélène de Surgères. Il va, pour cela, recourir à deux moyens : il va tout d'abord l'imaginer âgée puis il va l'imaginer pauvre. Tout d'abord, le poète âgé de quarante-cinq ans quand ils se rencontrent, l'imagine vieille, avec une jubilation certaine. Ainsi, dès le vers liminaire,...
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il insiste sur cette vieillesse par l'emploi d'un adverbe intensif « bien » : « Quand vous serez bien vieille » (v.1). Il s'agit d'un fait qui est présenté comme certain puisqu'il est évoqué au futur de l'indicatif : Hélène ne pourra pas échapper à la vieillesse. Cette vieillesse inéluctable s'accompagnera d'une perte de la beauté, qui est, certes, une qualité, mais une qualité éphémère : « Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle » (v.4). L'emploi de l'imparfait de l'indicatif, associé à l'expression « du temps que » souligne cette disparition. Il s'agit ici d'une phrase prononcée par Hélène, au discours direct et ce procédé permet de donner à ses paroles une teinte de regret : Hélène se rend compte, mais trop tard, de la chance qu'elle a eue, chance qu'elle aura laissé passer. Enfin, la description de la vieille Hélène, qui est une forme d'anticipation de ce qui l'attend, est baignée dans une atmosphère qui souligne sa vieillesse. Ainsi, elle est << accroupie » (v.11), c'est-à-dire dans une position inconfortable d'infériorité et tout ce qui l'entoure semble gagné par un même engourdissement, un même vieillissement. C'est ainsi le cas de sa servante « à demi sommeillant » et du moment choisi pour placer cette évocation : « au soir >> (v.1).Ce complément circonstanciel de temps traduit une fin, ici la fin de la journée. Ronsard, par ses vers vengeurs, imagine donc Hélène rendue au même état que le sien : vieille mais il va plus loin encore puisqu'il ne résiste pas au plaisir de l'imaginer pauvre. Ensuite, le poète couvert d'honneurs, « le prince des poètes » choisit d'imaginer Hélène, elle qui était la protégée de la reine Catherine de Médicis, comme devenue pauvre. C'est à travers des objets et des éléments du décor qu'il va ainsi développer cette idée de dénuement. Dès le vers liminaire, Hélène est, en effet, associée à la « chandelle » : « Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle >>(v.1). Il s'agit là d'un moyen de s'éclairer qui produit une lumière vacillante et faible, qui était plutôt réservé aux paysans. Dans un même ordre d'idées, elle est « assise auprès du feu » puis carrément << accroupie «< (v.11) : elle n'a donc pas de fauteuil. Enfin, elle se livre à une activité manuelle : « dévidant et filant » (v.2), où les deux participes présents, réputés alourdir la phrase, renvoient au travail pénible de filage de la laine auquel se livraient les paysannes - et que la jeune préférée de la reine de France, réputée cultivée, n'aurait jamais accompli. Au terme de notre étude, nous pouvons donc affirmer que Ronsard utilise tous les moyens dont il dispose pour faire fléchir Hélène : il la persuade que ses qualités actuelles (beauté, richesse) ne dureront pas; a contrario, il montre combien ses qualités à lui, qualités poétiques, sont durables voire immortelles. Enfin, il se fait insistant en prenant à partie la jeune femme, en s'adressant directement à elle. Pour cela, il a un allié de choix : le sonnet, dont la structure épouse parfaitement son argumentation puisque les deux quatrains sont consacrés au futur d' Hélène ; les deux vers du premiers tercets, en rimes suivies, évoquent la situation élogieuse du poète avant de revenir aux regrets d' Hélène marqués par le retour aux rimes embrassées. Ce poème, demeuré très célèbre, est bien une preuve de ce qu'avance le poète : il a bel et bien atteint l'immortalité grâce à lui - et celle-ci a rejailli sur Hélène, qui, sans lui serait, sans doute, oubliée. On peut rapprocher ce sonnet d'un autre poème de Ronsard << Mignonne, allons voir si la rose », adressé cette fois à Cassandre et qui est une ode. Toutefois, dans ce poème, également très célèbre, le poète se fait moins insistant. Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle, Assise auprès du feu, dévidant et filant, Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant: Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle. Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle, Déjà sous le labeur à demi sommeillant, Qui au bruit de mon nom ne s'aille réveillant, Bénissant votre nom de louange immortelle. Je serai sous la terre et fantôme sans os : Par les ombres myrteux je prendrai mon repos : Vous serez au foyer une vieille accroupie, Regrettant mon amour et votre fier dédain. Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain : Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie. Pierre de Ronsard, Sonnets pour Hélène, 1578