Une classe sociale remise en question
La conception des "invisibles" comme classe sociale s'oppose à la vision marxiste traditionnelle. Contrairement à l'époque où les ouvriers s'exprimaient de manière unifiée à travers une lutte commune, les pratiques de contestation des "invisibles" sont très hétérogènes et peuvent même s'opposer entre elles. Cette absence d'intérêts communs à défendre remet en question leur statut de classe sociale selon Marx, pour qui "il n'y a pas de classes sans lutte des classes".
Henri Mendras propose une autre approche avec sa théorie de la "moyennisation" de la société, où l'on observe une fragmentation de la conscience de classe. Les classes populaires ne sont plus définies comme une simple réunion statistique, mais comme l'ensemble des catégories socialement dominées et économiquement fragilisées. Le syndrome d'invisibilité s'est accentué après les crises financière de 2008 et sanitaire récente.
L'instabilité professionnelle, combinant chômage et précarité des contrats, favorise l'éclatement des catégories populaires en multiples sous-groupes aux expériences très diverses. Cette fragmentation rend difficile tout regroupement autour d'objectifs communs, caractéristique pourtant essentielle à une classe sociale traditionnelle.
🔍 Point clé : La question "Qui sont les invisibles dans la société ?" trouve sa réponse dans cette mosaïque sociale moderne : des personnes unies paradoxalement par leur sentiment d'être ignorées, mais trop diverses pour former une classe sociale classique.
Avec des mouvements comme les Gilets Jaunes ou des initiatives comme le projet "Raconter la vie" de Pierre Rosanvalon, ces invisibles commencent toutefois à gagner en visibilité, posant la question de la réponse des pouvoirs publics face à leurs difficultés sociales et économiques.