Les fondamentaux du droit administratif

Tu vas découvrir une matière fascinante qui explique comment l'État français fonctionne au quotidien ! Le droit administratif fait partie du droit public, aux côtés du droit constitutionnel et du droit international.

La hiérarchie des normes, développée par Hans Kelsen, structure tout notre système juridique comme une pyramide. Au sommet, on trouve le bloc de constitutionnalité (Constitution de 1958, DDHC de 1789). Puis viennent les traités internationaux, les lois et enfin les règlements.

Cette hiérarchie est logique : chaque norme inférieure doit respecter les normes supérieures. C'est ce qui garantit la cohérence de notre système juridique et protège nos droits fondamentaux.

À retenir : La pyramide des normes assure que personne, même l'administration, ne peut agir contre la Constitution ou les lois.

Droit privé vs droit public : comprendre la différence

Comme l'expliquait déjà Ulpien dans l'Antiquité, il existe deux grandes branches du droit. Le droit privé régit les relations entre personnes privées (contrats, divorce, etc.). Le droit public s'occupe de l'organisation de l'État et de ses relations avec les citoyens.

La France a choisi le dualisme juridictionnel : deux ordres de justice séparés. L'ordre judiciaire pour les affaires privées, l'ordre administratif pour les litiges avec l'administration. Chacun a ses propres règles et ses juges spécialisés.

Cette séparation protège l'État de droit : un État qui se soumet lui-même au droit et respecte les droits des individus. L'administration a certes des pouvoirs spéciaux, mais elle doit les exercer dans le respect de la loi.

Bon à savoir : D'autres pays comme l'Angleterre ont un système différent (monisme) avec un seul type de juge pour tout.

Qu'est-ce que le droit administratif exactement ?

Le droit administratif encadre toute l'action quotidienne de l'État à travers l'administration. Il a deux caractéristiques essentielles que tu dois absolument retenir.

D'abord, l'administration poursuit toujours une finalité d'intérêt général. Un maire ne peut pas modifier les règles d'urbanisme pour se construire une piscine personnelle ! Il doit agir pour l'intérêt de tous (développement touristique, équipements publics...).

Ensuite, l'administration dispose de prérogatives de puissance publique : des pouvoirs que seul l'État possède. Elle peut fermer un bâtiment dangereux de manière unilatérale, exproprier pour construire une route, etc.

Le droit administratif naît vraiment au XIXe siècle, pas d'une volonté politique mais de la création d'un juge spécialisé. C'est ce qui le rend si particulier !

Attention : Même des associations privées peuvent gérer des missions d'intérêt général (comme les transports publics).

Les spécificités du système français

Pour saisir un juge, il faut que ton litige entre dans son domaine de compétence. Ordre administratif pour le droit public, ordre judiciaire pour le droit privé. Cette distinction n'existe pas partout !

Le système français se distingue par son dualisme avec des juges spécialisés. L'Allemagne fonctionne pareil, mais l'Angleterre (common law) n'a qu'un seul ordre juridictionnel. D'autres pays ont un système mixte sans juge spécialisé.

L'histoire explique cette spécificité française. Sous l'Ancien Régime, l'administration se développe autour du roi, mais sans contrôle judiciaire. La Révolution maintient cette séparation par méfiance envers les juges.

L'article 13 de la loi de 1790 est clair : "Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives". Les juges judiciaires ne peuvent pas s'occuper d'administration.

Le saviez-vous ? Le Conseil constitutionnel vérifie que les lois respectent la Constitution, mais il n'est ni judiciaire ni administratif.

Napoléon et la naissance du juge administratif

L'œuvre napoléonienne consolide les structures administratives et crée des institutions dédiées au contrôle. Le Conseil d'État naît en 1799 pour "résoudre les difficultés qui s'élèvent en matière administrative".

Le tournant décisif arrive avec la IIIe République : la loi du 24 mai 1872 donne au Conseil d'État le pouvoir de "statuer souverainement" sur les recours administratifs. Fini la tutelle du pouvoir exécutif, le juge administratif devient indépendant !

Mais il manquait encore un vrai droit administratif. C'est l'affaire Blanco (1873) qui change tout. Une petite fille est blessée par un chariot de tabac appartenant à l'État. Ses parents veulent saisir le juge judiciaire.

Le Tribunal des conflits refuse : l'État ne peut pas être jugé selon les règles du Code civil ! Il faut des "règles spéciales" adaptées aux besoins du service public. Le droit administratif français est né.

Date clé : 8 février 1873, arrêt Blanco = acte de naissance du droit administratif moderne.

Les caractères uniques du droit administratif

L'arrêt Blanco établit un principe fondamental : "la responsabilité de l'État ne peut être régie par les principes établis dans le Code civil pour les rapports de particulier à particulier". L'État a besoin de ses propres règles !

Le droit administratif est un droit spécial et autonome, dérogatoire du droit commun. Il accorde des privilèges à l'administration (pouvoir d'expropriation) mais aussi des contraintes spéciales (obligation de motiver ses décisions).

C'est aussi un droit jurisprudentiel : créé largement par les juges. Pourquoi ? Parce qu'il n'existait pas de textes au début ! Le juge a dû construire les règles à partir de rien, cas par cas.

L'article 4 du Code civil oblige le juge à trancher même si la loi est silencieuse. En droit administratif, cette obligation a permis de créer un corpus de règles impressionnant, entièrement jurisprudentiel.

Évolution récente : Le Code des relations entre le public et l'administration (CRPA) codifie maintenant certaines règles.

L'administration au service de l'État

L'administration $du latin "administrare" = gérer, servir$ est une structure au service du bien commun et de l'intérêt général. Elle gère les services publics selon les directives gouvernementales.

L'administration n'existe pas sans l'État ! Elle est l'instrument qui permet à l'État d'exercer concrètement sa souveraineté sur le territoire et la population.

Plusieurs approches expliquent ce lien : politique (Machiavel parle de "domination"), sociologique (Weber évoque le "monopole de la violence légitime") ou juridique (Bodin définit la souveraineté comme "puissance absolue et perpétuelle").

L'administration dispose de pouvoirs que seul l'État peut exercer : exproprier, réquisitionner, sanctionner. C'est elle qui donne corps à la puissance publique dans la vie quotidienne.

Concept clé : L'administration est l'instrument de la souveraineté étatique, elle rend concrète l'action de l'État.

L'unité de l'État français

La France est une République indivisible (article 1er de la Constitution). Contrairement aux États fédéraux comme les États-Unis, il n'y a qu'un seul détenteur de la souveraineté : l'État français.

Cette indivisibilité a des conséquences concrètes. Le Conseil constitutionnel a ainsi censuré en 1991 la mention du "peuple corse" : la Constitution "ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction".

Il peut y avoir de multiples administrations (État, régions, départements, communes) mais elles restent toutes subordonnées à l'État unitaire. La justice elle-même "est rendue de façon indivisible au nom de l'État".

Cette unité garantit l'égalité de tous les citoyens sur tout le territoire. L'administration assure la continuité de l'État et la mise en œuvre uniforme des politiques publiques.

Principe fondamental : Multiples administrations mais un seul État souverain et indivisible.

La subordination de l'administration

L'administration reste toujours subordonnée au pouvoir exécutif. L'article 20 de la Constitution est clair : "Le Gouvernement dispose de l'administration". Les missions administratives ne sont jamais initiales mais toujours secondes.

Le principe hiérarchique structure toute l'administration. Chaque fonctionnaire "doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique" (loi de 1983). Cette chaîne de commandement assure l'unité d'action.

Mais attention ! L'administration est aussi subordonnée à l'État de droit. Elle ne peut pas faire n'importe quoi, même sur ordre. L'article 16 de la DDHC exige la garantie des droits et la séparation des pouvoirs.

Cette double subordination (au gouvernement ET au droit) caractérise l'administration française. Elle doit obéir à sa hiérarchie tout en respectant la légalité.

Équilibre délicat : L'administration obéit au gouvernement mais reste soumise au contrôle du juge et au respect des droits.

L'administration dans l'État de droit

L'administration agit "dans l'intérêt général" selon le Code des relations entre le public et l'administration. Cette finalité justifie ses pouvoirs spéciaux mais l'oblige aussi au respect strict de la légalité.

La séparation des pouvoirs (article 16 DDHC) encadre l'action administrative. L'administration dépend du pouvoir exécutif mais reste contrôlée par le pouvoir législatif (qui vote les lois) et le pouvoir judiciaire (qui sanctionne les illégalités).

Cette architecture garantit que l'administration, malgré ses prérogatives exceptionnelles, ne peut pas échapper au droit. Le juge administratif veille au respect de la légalité administrative.

L'État de droit français repose sur cet équilibre subtil : une administration efficace grâce à ses pouvoirs spéciaux, mais contrôlée et limitée par le droit et les juges.

L'essentiel : Pouvoir et contrôle s'équilibrent pour garantir à la fois l'efficacité administrative et la protection des droits.