Un "monstre de vice" innommable
La conclusion de La Boétie est radicale : ce phénomène dépasse les "limites naturelles" du vice ordinaire. C'est un "monstre de vice" que ni la nature ni la langue ne reconnaissent ! Cette formulation choc montre que l'acceptation de la tyrannie fait sortir l'humanité de... son humanité.
L'argument de la "preuve par le contraire" est ingénieux : de même que la bravoure ne permet pas à un seul homme de conquérir un royaume, la couardise normale ne va pas jusqu'à accepter la domination d'un seul sur des millions. Le phénomène sort donc des catégories habituelles.
La chute est magistrale : cette servitude est si contre-nature que "la langue refuse de la nommer". En liant question politique et question linguistique, La Boétie montre que critiquer le pouvoir, c'est aussi inventer de nouveaux mots.
Son but ? Susciter une indignation si forte qu'elle pousse à la révolte. Comme l'écrira Stéphane Hessel des siècles plus tard dans "Indignez-vous !", l'indignation reste "le ferment de l'esprit de résistance".
Modernité du texte : Cette analyse de la domination "douce" et acceptée annonce nos questionnements actuels sur les mécanismes du pouvoir et de la soumission volontaire.