Des poèmes entre tradition et innovation
Les Cahiers de Douai sont composés de deux ensembles (15 poèmes dans le premier cahier, 7 dans le second) qui montrent l'évolution fulgurante du jeune poète. Dès ses premiers textes, Rimbaud jongle entre respect des formes traditionnelles et innovations audacieuses.
Dans "Première soirée" et "Sensation", le poète évoque ses émois adolescents avec une sensibilité nouvelle. Il explore les thèmes de l'amour, de la nature et de la liberté avec un lyrisme qui lui est propre : "Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien, / Par la Nature, - heureux comme avec une femme." La Nature, personnifiée et sensuelle, devient un refuge face aux contraintes sociales.
Les poèmes plus engagés comme "Le Forgeron" montrent l'influence de Victor Hugo, mais Rimbaud y insuffle une révolte encore plus virulente. Ce long poème en alexandrins met en scène un forgeron qui confronte Louis XVI, symbolisant le peuple qui s'adresse directement au pouvoir. Dans "Soleil et Chair", il célèbre le paganisme et la Nature divinisée contre l'étouffement du christianisme.
"Ophélie", inspiré de Shakespeare, transforme le personnage en allégorie de la liberté et de la fusion avec la nature. Ce poème, comme "Le Bal des Pendus" (réécriture de François Villon), montre comment Rimbaud s'approprie l'héritage littéraire tout en le renouvelant avec audace et originalité.
Zoom linguistique : Rimbaud utilise brillamment les oxymores, les synesthésies (mélange des sens) et les ruptures de ton pour créer une poésie novatrice qui bouscule les conventions de son époque.