L'argumentation et la sentence finale
Le dialogue entre les deux protagonistes révèle leur inégalité fondamentale. Le loup s'adresse à l'agneau avec un arrogant tutoiement et l'accuse directement : « Tu seras châtié ». La diérèse sur ce dernier mot accentue la menace implacable qui pèse sur le petit animal.
L'agneau, conscient de sa position précaire, adopte une attitude respectueuse en employant des formules comme « Sire » et « Votre Majesté ». Sa défense est logique et mesurée, utilisant même des connecteurs comme « par conséquent » pour structurer son argumentation. Il tente de se faire petit, comme le montre symboliquement le vers 14, un court tétrasyllabe.
Face à la logique imparable de l'agneau, le loup recourt à des prétextes absurdes, élargissant progressivement ses accusations : d'abord « toi », puis « ton frère », ensuite « un des tiens », et enfin « vos bergers » et « vos chiens ». Cette double gradation montre la mauvaise foi évidente du prédateur qui cherche à tout prix une justification.
🔍 Observez comment les répliques du loup deviennent de plus en plus courtes à mesure que le dialogue progresse, trahissant son impatience grandissante et son avidité.
La sentence finale est expédiée en trois vers seulement, contrastant avec la longueur du dialogue. Cette brièveté souligne la rapidité brutale de l'exécution et l'inutilité du débat qui l'a précédée. La morale prend alors tout son sens : la force prime sur la raison et la justice.
Cette fable reste étonnamment actuelle dans sa dénonciation des abus de pouvoir. Comme dans « Les Animaux malades de la peste », La Fontaine critique l'injustice d'une société où les plus faibles sont toujours victimes, quelles que soient leurs actions ou leurs arguments.