L'allégorie révélée : le poète comme albatros
La dernière strophe dévoile explicitement l'allégorie qui sous-tend le poème entier. "Le Poète est semblable au prince des nuées" : Baudelaire utilise une majuscule qui élève le poète au rang d'entité absolue, tout en le rattachant symboliquement à l'albatros par cette comparaison directe.
Cette strophe explore la dualité fondamentale du poète baudelairien. D'un côté, il est sublime, capable de "hanter la tempête" et de se rire "de l'archer" - métaphores de sa puissance créatrice et de son détachement des préoccupations terrestres. De l'autre, il est "exilé sur le sol", tourmenté par les "huées" d'une société qui le rejette.
La conclusion du poème est poignante : "Ses ailes de géant l'empêchent de marcher." Ce vers final synthétise parfaitement le paradoxe du poète : ses dons exceptionnels, symbolisés par les ailes immenses, deviennent un handicap dans la vie quotidienne. Ce qui fait sa grandeur cause aussi sa souffrance.
Ce poème illustre parfaitement la tension entre Spleen et Idéal qui structure tout le recueil des "Fleurs du mal". L'albatros, comme le poète, appartient à deux mondes : celui de l'élévation spirituelle et celui de la matérialité terrestre. Son malheur naît de cette impossible conciliation.
Pour aller plus loin : Dans votre analyse des figures de style, relevez comment les allitérations en [g] et [s] dans "glissant sur les gouffres amers" imitent le bruit du navire, créant une immersion sensorielle qui renforce l'effet poétique.